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Après une enfance baignée dans une atmosphère internationale où la cuisine était reconnue pour ses valeurs d’unité et de partage, Niki Kopcke crée un concept de restaurant unique, à Londres : Mazi Mas*. Elle y met en pratique ses idéaux de féminisme et d’engagement, en créant des emplois et les proposant à des femmes qui ont des difficultés à en trouver. A la clef : une activité professionnelle rémunérée ainsi que confiance et émancipation pour ces femmes.
Fille d’un père allemand et d’une mère Gréco-Américaine, Niki Kopcke a grandi à New York et parlait 4 langues dès l’âge de 6 ans. De toutes les personnes qui l’ont aidée à grandir, c’est sa nounou grecque, Maria Marouli, qui l’a le plus marquée.
Alors tout juste arrivée aux Etats Unis et ne parlant pas l’anglais, Maria ne pouvait trouver d’autres emplois que ceux de nounou, de femme de ménage ou de cuisinière. Son mari refusant qu’elle crée la petite entreprise dont elle rêvait – sa propre boulangerie ou pâtisserie – elle devient nounou. Elle a été celle de Niki Kopcke pendant plusieurs années.
Niki garde pour toujours le souvenir de la cuisine de Maria, et s’aperçoit très tôt que de nombreuses femmes immigrées ont très peu d’opportunités en matière d’emploi…
Plus tard, en 2010, Niki Kopcke obtient un Master en études de genre, de développement et de mondialisation au Gender Institute de la London School of Economics. Elle y étudie les questions de pauvreté et de développement, en lien avec la question des droits des femmes.
« Pour les femmes migrantes ou réfugiées, il y a encore plus d’obstacles. Il leur est extrêmement difficile de trouver du travail. Elles sont bloquées », constate Niki Kopcke.
Des emplois, pas d’assistance
En 2011, Niki Kopcke aide un organisme de cuisine solidaire à Londres. Le but : lutter contre le gaspillage alimentaire, tout en offrant des repas.
C’est là qu’elle rencontre une autre volontaire, Roberta Siao, qui a personnellement vécu les problèmes d’intégration identifiés par Niki Kopcke.
En tant qu’immigrée, et mère d’un garçon de 8 ans, Roberta ne pouvait trouver d’emploi qui convienne tant à ses horaires de mère qu’à ses capacités ou à sa formation professionnelle, dans la banque au Brésil. Elle ne pouvait faire que du bénévolat, mais sans espoir de pouvoir accéder un jour à l’emploi.
Pour Niki Kopcke, il s’agissait d’un « gâchis immense : de talent, d’énergie, de passion ».
C’est alors que lui est venue l’idée d’embaucher précisément ces femmes qui ne pouvaient trouver que des emplois précaires ou des occupations de bénévoles.
C’est ainsi qu’elle lance Mazi Mas* à Londres. D’abord restaurant éphémère puis traiteur, mais toujours « comme une entreprise, pas une association ni une ONG. L’objectif est d’offrir de vrais emplois rémunérateurs à des femmes qui avaient du mal à en trouver, tout en servant de bons plats à des clients » précise Niki Kopcke.
L’affaire a démarré avec 2 femmes, puis 3 puis 10.
Un restaurant porteur de sens
Mazi Mas* est un vrai restaurant, insiste Niki Kopcke. “Ce n’est pas une boutique solidaire, nous voulons être compétitifs.” Toutes les employées reçoivent un salaire décent, supérieur au salaire minimum, et à ce qu’elles percevraient dans la plupart des restaurants. Selon Nicki Kopcke, travailler pour gagner sa vie est “bon pour la santé mentale et l’estime de soi.”
Elle souhaite aussi que les employées soient visibles. Que les clients puissent “mettre un visage sur les chiffres d’immigration et sur les histoires qu’ils lisent dans les journaux. Si vous rencontrez une personne et qu’elle cuisine pour vous, vous ne pouvez pas la hair !”
Sur chaque table, les convives trouvent un livre contenant les parcours de vies des femmes qui sont en cuisine. Ils apprécient grandement “ces plats qui ont une histoire à raconter”, comme les appelle Niki Kopcke.
Pour elle, “les meilleurs repas sont ceux que l’on partage chez quelqu’un. Quand je vais manger chinois, je veux découvrir ce que les Chinois mangent chez eux. Pas ce que l’on sert dans les restaurants chinois. Ce que nous cuisinons et servons, c’est ce que les gens mangent chez eux.”
Avec des cuisinières originaires de 6 pays différents à chaque repas (Ethiopie, Iran, Népal, Nicaragua, Pérou, Turquie, etc.), les clients peuvent choisir parmi 5 entrées, 3 plats et 2 desserts. En cuisine, les femmes échangent leurs recettes et apprennent ainsi à préparer d’autres plats que ceux de leur pays d’origine.
L’émancipation des femmes par la cuisine
Le restaurant permet à Niki Kopcke de mettre en pratique ses principes féministes. “Selon moi, il est important de faire reconnaître le travail domestique des femmes. C’est une activité qui n’est pas appréciée à sa juste valeur. Il n’est même pas considéré comme du travail. Toute une économie cachée…”
Niki Kopcke veut que ce travail soit reconnu par tous, et que chacun en connaisse le prix.
Les employées de Mazi Mas ont “du potentiel mais n’avaient pas trouvé d’opportunités, alors qu’elles ont tellement à offrir !”
Un trop grand nombre d’entre elles étaient auparavant considérées comme un poids pour la société. L’assistanat était la seule réponse appropriée à leur situation.
Les immigrées, les mères célibataires, les femmes qui se sont éloignées trop longtemps du marché du travail, sont isolées et marginalisées.
Elles peuvent être la cible des populistes précisément parce qu’elles ne travaillent pas…
En leur donnant un emploi, Niki Kopcke les aide à prendre conscience de leur potentiel et à l’exploiter. Plusieurs d’entre elles ont ouvert leur propre affaire ou travaillent pour des traiteurs.
Durant les déjà 4 années d’existence de Mazi Mas*, 15 femmes sont devenues des cuisinières professionnelles. “Nous ne sommes pas leur dernier employeur, nous sommes un tremplin”, dit-elle.
Niki Kopcke est persuadée qu’il n’y pas de meilleur programme social que celui qui crée des emplois.
“Vous voulez de la justice sociale?
Créez des emplois.
Vous voulez que les choses changent?
Créez des emplois.”
Un ideal que beaucoup pourraient adopter, dans l’univers alimentaire ou plus globalement… Alors allons-y : partout et tout le temps, dès qu’une opportunité apparaît !
*Eláte na fáte mazí mas : venez manger avec nous, en grec.
Merci au Fooding qui a permis cette rencontre avec Niki Kopcke,
lors de l’événement “Plats de Résistance” à Paris
- 1967 : Maria -la future nounou de Niki- part de Grèce pour les Etats-Unis
- 2010 : Niki obtient un MSc en genre, développement et mondialisation à la LSE
- 2011 : Bénévole dans des organismes d'insertion sociale et pour des immigrés en tant que cuisinière - Rencontre avec Roberta
- 2012 : Lancement de Mazi Mas à Londres
- 2015 : Lancement de Mazi Mas à Sydney
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