Selon le Chef Jean-Pierre Vigato, être cuisinier n’est pas toujours un métier facile mais cuisiner est une détente, un grand plaisir ! Un plaisir qu’il a acquis jeune, lors de moments de partages, en famille… Et un plaisir, qu’il a toujours à cœur de transmettre, tant à ses proches, qu’à ses collaborateurs et à ses clients. Il aime les accueillir dans sa cuisine professionnelle d’Apicius, son restaurant étoilé. Mais aussi dans sa cuisine familiale, au travers de son blog. Il rend ainsi ce plaisir accessible à tous, en cuisinant « bon et sans chichis. »

Dans la famille de Jean-Pierre Vigato, personne n’exerçait de professions liées de près ou de loin aux métiers de bouche. Mais les femmes de la maison savaient préparer de bons petits plats…

De l’importance de l’éveil des sens dans l’enfance

Un peu d’entretien du potager avec sa grand-mère, de cuisine et de pâtisserie avec sa mère, de « bruits de casseroles, de douces odeurs et de moments partagés autour de la table ! ». Rien de tel que le fumet d’un plat diffusé dans la maisonnée pour rassembler autour d’« un plat, un seul, toujours. Pas de choix et tant mieux car c’était toujours bon ! »

Une tendre lueur anime le regard de Jean-Pierre Vigato à l’évocation du plat de fête : « la poule piquante » de sa grand-mère, une poule mijotée dans un bouillon de légumes et une sauce blanche relevée au vinaigre.

C’est cet « éveil des sens, cette sensibilité aux simples et jolies choses, cette gourmandise » qui ont procuré les premiers émois en cuisine du futur Chef.

Mais c’est une autre réalité qu’il découvre lors de son apprentissage à Annecy… Bien loin de la douceur familiale en région parisienne et du voyage aventurier qu’il s’imaginait… Un univers professionnel très dur se révèle à lui. « Zola, des horaires de fous, les fourneaux à charbon, un salaire ridicule, pas de jours de congés… »

Mais il persévère pour ne pas décevoir ses parents et leur fait même croire à une vocation !

Recevoir avant de transmettre

Dans ce monde « très hiérarchisé, qui peut être parfois inhumain, bête et méchant », de belles rencontres viennent heureusement ranimer la flamme !

La plus notable pour le Chef Jean-Pierre Vigato est sa rencontre avec Marcel Beaumont, alors Chef du restaurant « Chez Albert » à Paris (2*). « Un personnage ! Enfant de l’assistance publique, il n’avait pas forcément de connaissances culinaires pointues mais une approche extrêmement humaine du métier. » A son contact, Jean-Pierre Vigato commence commis puis s’ouvre aux métiers de la salle. Jusque-là enfermé en cuisine, il devient serveur, à 22 ans, et prend conscience « de ce qu’est un client, de l’importance de comprendre ses désirs. »

Son métier prend alors tout son sens : de là naît son envie de toujours faire plaisir aux clients. « Dieu à bord, c’est le client. C’est lui qui commande. »

Il aurait pu reprendre l’affaire de Marcel Beaumont, comme ce dernier le lui a proposé. Mais il a « plutôt eu envie de faire par lui-même. »

Ce restaurant étant fermé le lundi, il fait des extras dans d’autres établissements. Il a ainsi pu « économiser jusqu’à 120.000 francs et devenir crédible auprès des banques pour ouvrir, en 1979, sa 1ère affaire : Grandgousier, un petit restaurant coincé entre des sex shops et le cimetière de Montmartre »… qui obtient pourtant très vite une 1ère étoile.

Son service le plus marquant ? Tout juste après l’ouverture, un 1^er novembre, jour de la Toussaint… 22 veuves éplorées, coiffées de voilettes, arrivent dans son restaurant et en ressortent quelques heures après, ragaillardies. Elles ont oublié leur chagrin dans les bonnes assiettes du Chef et les quelques verres qui les ont accompagnées. Ou quand la cuisine devient plaisir… et un remède efficace contre la tristesse !

POUR… et CONTRE la CUISINE A LA TV !

Partager des émotions…

Jean-Pierre Vigato a toujours eu à cœur de transmettre sa passion pour la cuisine à ses équipes. En leur épargnant les dures conditions de travail, qu’il a lui-même pu connaître lors de son apprentissage. Et en les soutenant dans leurs propres parcours de cuisinier.

« On ne transmet qu’à des personnes avec lesquelles on a travaillé. On transmet ainsi des choses partagées : un univers, avec de bons moments, des engueulades… et des repas ! »

Cette approche humaine a inspiré nombre de ses disciples lorsqu’ils ont souhaité voler de leurs propres ailes, généralement sous les conseils avisés et/ou avec l’aide financière de Jean-Pierre Vigato. Citons par exemple Jean-Christophe Lebascle auquel il a cédé La Manufacture, Tsukasa Fukuyama à l’A&M Restaurant ou encore Jérôme Gangneux au 6 New York.

Au-delà de son univers professionnel, Jean-Pierre Vigato a envie de partager, « non pas un savoir théorique mais un éveil aux jolies choses. Une émotion à travers un produit, une sensibilité dans une recette… Bref partager un moment de grâce.»

Cette envie de toujours apporter du plaisir l’amène à créer un blog de cuisine à son nom. Bien loin des « livres de recettes avec certes de belles images mais où il faut être agrégé culinaire pour comprendre les textes », ici ce n’est qu’« invitation à la rêverie, au jeu, à l’amusement. » Il convie donc ses hôtes, dans sa cuisine personnelle de Paris ou à la campagne, à « cuisiner bon et sans chichis », à apprendre quelques trucs et astuces de Chef et à découvrir des recettes filmées, faciles à reproduire.

Comme il le rappelle justement : « il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus au métier de Chef cuisinier. Mais les plaisirs de la cuisine sont innombrables et accessibles à tous ! » Alors, tous en cuisine !